T comme... Tire-bouchon
Un tire-bouchon constitue une outil bien pratique pour ouvrir une bonne bouteille de vin. Cet ustensile courant de la vie quotidienne résulte d’une conception à la fois simple mais efficace. La forme hélicoïdale de la mèche en queue de cochon permet de rentrer dans le liège sans enfoncer le bouchon dans le goulot. Aussi quel cheminement a permis de mettre au point ce mécanisme très utile ?
Le couteau du sommelier comporte généralement une lame utile à différents usages ainsi qu’un tire-bouchon. La France a une belle notoriété pour ses vignobles. Et pourtant il semble que les anglais aient inventé en premier cet outil au cours du XVIIe siècle. Plus particulièrement des armuriers britanniques ont les premiers eu cette idée d’utiliser une mèche hélicoïdale pour enlever le liège sans abimer le vin. Cette forme serait identique à celle d’une pièce métallique utilisée dans l’armurerie. Les membres des guildes de la Cité de Londres auraient improvisé cet usage pour répondre à un besoin d’une nécessité impérieuse : se servir à boire ! Depuis, le chemin parcouru se mesure en kilomètres de liège. En effet, même si on respecte toujours la forme initiale, de nombreuses modifications ont permis de faire évoluer l’objet. Cela a permis d’optimiser le pas de vis du tire-bouchon vers sa taille optimale. Il semble que certaines peintures du Moyen Age montrent des ustensiles servant à percer les tonneaux de vin afin d’accéder à son contenu. L’anglais Samuel Henshall fait honneur à la sensibilité oenologique des britanniques. Aussi en 1795, il déposa ce qui semble apparaitre comme le premier brevet pour fabriquer un tire-bonchon. Il baptisa l’objet de son nom. Aussi la caractéristique du Henshall repose sur une pièce de métal percé avec des crans. Celle-ci se trouve entre la queue de cochon et la tige. Il s’agit d’éviter de trop enfoncer dans le bouchon. D’autre part, l’aspect rugueux permettait d’enlever plus facilement la cire sur le goulot de la bouteille. Par la suite Samuel Henshall s’associa avec Mathew Boulton afin de produire en masse. La production de ce tire-bouchon se fit dans les usines Soho à Birmingham. Depuis, on dénombre une moissons d’amélioration avec plus de 300 brevets aujourd’hui.
De nombreux mécanismes annexes comme le levier ont permis d’améliorer l’ustensile. Il existe une infinité de variantes pour le tire-bouchon. Il s’agit à la fois d’un objet de déco que d’un outil multifonctions. Bien souvent une poignée permet de lever le bouchon sans forcer. En effet, un bouchon en plastique ou en matériau synthétique a une rigidité accrue. Et cela augmente le frottement au moment de l’ouverture. Il faut donc appliquer une force supplémentaire pour ouvrir la bouteille. Cette action peut créer de l’instabilité. Aussi le levier permet de se protéger contre tout mouvement indélicat. Ainsi la poignée démultiplie l’effort apporté et l’extraction du bouchon se fait en tirant très facilement. Le tire-bouchon avec deux crans permet d’utiliser un point d’appui en cours d’ouverture. Cela facilite le mouvement de bascule sans risque d’accident. Enfin les adeptes de haute technologie pourront utiliser le modèle à gaz.
Source : D'après un article paru dans le site blog.telephone.city
Vidéo : Le musée du tire-bouchon à Ménerbes dans la Vaucluse
F comme... Femme à barbe
Clémentine Clatteaux naquit dans la campagne vosgienne, au bord de l'étange de Bouzey, à côté des ruines de l'abbaye de Chaumouzey, le 5 mars 1865. Vingt ans plus tard, elle épousait un boulanger de Thaon-les-Vosges, et après quelques années, joignait à la boulangerie, un fond de café. Son mari étant de santé précaire, il dut laisser son commerce, mais le café prit une magnifique extension. Dès l'âge de 18 ans, Clémentine avait vu sa lèvre supérieure s'orner d'un duvet prometteur. Bien vite, elle dut se faire raser le menton, mais par fantaisie, elle garda la moustache. Un jour de Pentecôte, elle se rendit avec des amies à la foire de Nancy. Sur le cours Léopold, il y avait nombre de barraques foraines et bien sûr, celle de la traditionnelle, femme à barbe. Les jeunes femmes entrèrent et pour la modique somme de 15 centimes, purent regarder le phénomène. Laissons parler Clémentine : "Un phénomène mal lèché, ni homme ni femme qui n'a même pas l'excuse d'être Auvergnat ! (sic). J'ai pour cette femme qui se montre, une pitié qui doit se trahir sur ma physionomie, car m'ayant fixée, elle se penche vers moi et me dit : "Madame, vous avez plus de barbe que moi !". Symphatique ou jalouse, la foraine donne à Clémentine une recette infaillible pour se débarrasser des poils superflus. Cette dernière retourne à Thaon bien décidée à essayer l'onguent pour éviter "l'ennuyeux recours du rasoir". Elle n'était pas le seule à être allée à la foire et dans son café les plaisanteries vont bon train. Un nommé Oscar parie qu'elle ne laissera pas pousser sa barbe. Un pari de 25 louis, 500 francs, une somme pour l'époque ! Elle accepte le défi. On essaie de la dissuader, elle tient bon. Cependant, elle ne paraît pas au café pendant la période délicate de la première pousse. Mais, dit-elle, "bientôt, le poil d'un impeccable châtain, comme ses cheveux, s'adoucissait, prenait du velouté, s'ondulait mollement. Mon mari prenait plaisir à me caresser, et moi-même je ne voyais pas ce nouvel ornement de mon visage sans une coquetterie amusée et satisfaite".
Elle saute le pas et se montre au café qui bientôt ne désemplit pas. Ce fut des Vosges puis de toute la Lorraine qu'on vint la voir. Un ami fit des cartes postales. En deux mois, la France connaissait Clémentine. Quant aux 500 francs du pari, ils ne lui furent jamais remis, ce qui gâcha la vie d'Oscar et ternit sa mémoire. Rapidement, Madame Delait fut si connue, que le grand Barnum, lui-même, jeta les yeux sur elle et voulut la produire en Amérique. Mais c'était une femme de coeur. Elle refusa cet engagement mirobolant (3 millions de l'époque) pour ne pas abandonner son mari malade. Elle le gâtait, lui offrit un attelage avec un joli poney pour sa promenade, un grand jardin pour s'aérer et tout cela grâce à la vente des cartes postales ! En 1903, on lui propose d'entrer dans la cage aux lions de la ménagerie Camillius. Sa famille proteste, mais par bravade, elle accepte. Un train spécial amène la population au chef-lieu. On lui fait une ovation. "J'étais belle et j'entendais les murmures d'admiration des hommes".
Dans la cage, elle fait une partie d'écarté et la gagne, une lionne passe au-dessus de sa tête, un photographe prend un cliché tandis qu'elle lève sa coupe de champagne. Elle renouvelle l'exploit à Saint-Dié et à Charmes. Là, elle vend des cartes postales à travers les barreaux de la cage. Mais avoue-t-elle, "les lions n'étaient plus là". On la choisit pour être marraine d'une portée de jeunes lionceaux. Tout cela faisait les gros titres des journaux. Elle avait le sens de la publicité. Notre héroïne avait tout pour être heureuse, mais elle caressait un désir : s'habiller en homme. Ce qui semble aujourd'hui si naturel dépendait alors... du ministre de l'Intérieur. Combes accéda à sa demande et dit paraît-t-il à ses collègues : "De cette citoyenne qui n'a pas droit au vote, faisons une femme qui porte culotte et que sa barbe serve d'exemple à toutes ces bigotes rétrogrades qui se battent autour des bénitiers". Discours bien dans la note du temps. Bien des quiproquos devaient naître de cette façon de s'habiller, audacieuse pour l'époque. Porter le pantalon n'était pour elle qu'un simple caprice et Clémentine tenait fort à clamer sa féminité. Si elle se vante d'être une épouse modèle, elle ne dédaigne pas pour autant les succès auprès du sexe fort. Elle a des admirateurs, car dit-elle, "la nature ne m'a pas marchandé aucun des avantages de la femme". Elle est coquette, ses cartes le prouvent, qui la représentent en fort jolies toilettes. Un jour de Carnaval, déguisée en marquis d'opérette, le visage et la barbe dissimulés sous un loup de velours noir, elle a bien des admirateurs dont l'Oscar, le parieur malchanceux qui est tout déconfit quand il soulève le masque de la belle. Un autre jour, elle enferme un gendarme trop galant dans sa cave et fait mettre sur la trappe quelques caisses de bière. Le pauvre homme jura que l'on ne l'y reprendrait plus. Il ne fallait pas lui déplaire. En femme de poids (100 kg à 40 ans), elle vous mettait à la porte un consommateur aviné en quelques minutes. On ne s'y frottait pas deux fois. Le temps passait, la France entière aimait Clémentine. Le célèbre docteur Bertillon (empreintes digitales) publiait de savants rapports à son sujet, des hommes se faisaient tatouer son visage sur la poitrine, bref, la gloire ! En 1922, pour la santé de son mari, elle s'intalle à Plombières-les-Bains. L'accueil est triomphal. Pour elle, on ouvre l'Enfer, arrivée des sources d'eau chaude. Cela ne se faisait que pour les personnalités. Elle habite près du presbytère : 11, rue Grillot, là elle vend des dentelles, de la lingerie et bien sûr, ses fameuses cartes postales. Elle en édita ainsi plus de soixante-dix dans tous les costumes et toutes les situations possibles, chacune marquée de fameux "exigez la cachet de Madame Delait". Les anciens habitants de la station se souviennent de l'avoir vue broder au métier, à l'ombre de l'église, en face de chez elle. N'ayant pas d'enfant, elle avait adopté une petite fille, Fernande, qu'elle aimait tendrement. Clémentine se plaisait dans les villes d'eau. Elle fut l'hôte de Vittel où on la présenta au roi d'Espagne et au souverain d'Egypte. A Contrexéville, le shah la combla d'attentions, l'invita à sa table. Après 1928, date du décès de son époux, elle revient à Thaon où elle prend un bar "Le café de la femme à Barbe". En 1932, pour l'agrément de Fernande, elle accepte de s'exhiber à l'étranger. Son premier voyage est pour Londres, où elle se produit à l'Olympia, au milieu d'autres phénomènes. Elle y cherche un logement modeste, pour éviter les frais d'hôtel, car elle ne jette pas l'argent par les fenêtres. La même année, elle reçoit un accueil enthousiaste à Paris, elle y devient l'amie d'une femme tronc qu'elle défend un jour "contre les impertinences d'un visiteur". En 1933, elle est à Vichy où, pendant la saison hippique Léon Voltera créait "le Grand Prix de la Femme à barbe". On lui donnait alors, dit-elle, 44 ans alors qu'elle en avait 68. Sa barbe de 35 cm était, comme elle, toujours jeune. Elle s'embarque pour Belfast où elle retrouve la courtoisie et la correction qu'elle avait appréciées à Londres. Elle finit sa vie au foyer de Fernande. Un trémoin disait l'avoir rencontrée avec une belle barbe blanche qui effrayait un peu les enfants. Elle mourut à Epinal, d'une attaque en pleine rue, le 19 avril 1939. En 1969, pour la 30e anniversaire de sa mort, Thaon créa le musée de la femme à barbe.
Source : D'après un article paru dans la revue Cartes Postales et Collections n°115 - 1987.